Dosettes de café : Nestlé s’engage à faciliter la vie de ses rivaux
17 Avr
Il devrait désormais être plus facile pour les consommateurs français d’utiliser des dosettes de café commercialisées par d’autres acteurs que Nestlé sur sesmachines Nespresso. Le géant suisse s’est engagé à faciliter le développement du marché des capsules concurrentes compatibles Nespresso. Il l’a fait sous la pression de l’Autorité de la concurrence, qui arguait d’un possible abus de position dominante.
L’Autorité a annoncé, jeudi 17 avril, le lancement d’une consultation sur Internet auprès des acteurs du secteur afin de vérifier que la proposition d’engagements de Nestlé est suffisante à leurs yeux.
Le collège des sages se prononcera avant l’été sur la version définitive des engagements. En cas de manquement, Nestlé encourt une sanction pouvantatteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial.
Le groupe a fait de Nespresso une pépite. En 2012, la marque pesait près de 4 milliards de francs suisses (3,2 milliards d’euros). Des revenus liés essentiellement à la vente de dosettes.
Ce succès n’a pas échappé aux concurrents. Leur nombre ne cesse de grossir. L’arrivée, en 2013, de Mondelez, avec sa marque Carte Noire, a été particulièrement remarquée.
- Qui reproche quoi à Nestlé ?
L’affaire a débuté en 2010, quand les «coucous» désireux de se nicher dans les machines Nespresso ont commencé à apparaître : la société Ethical Coffee Company (fondée par un ancien patron de Nespresso, Jean-Paul Gaillard) et le géant américain Sara Lee (repris depuis par DE Masters Blenders).
Ces deux assaillants ont saisi très vite l’Autorité de la concurrence, s’interrogeant sur un possible abus de position dominante de Nespresso privant les consommateurs d’une offre diversifiée et potentiellement moins chère, fonctionnant sur ses machines.
Les deux sociétés accusent Nestlé de « pratiques d’éviction », dénonçant le principe de lier l’achat des capsules de marque Nespresso à celui des machines éponymes.
Autre grief: la commercialisation sélective des capsules Nespresso, dans les boutiques Nespresso, par téléphone ou Internet, alors que les machines, elles, sont vendues en grande distribution.
- Qu’a constaté l’Autorité de la concurrence ?
L’Autorité de la concurrence, dirigée par Bruno Lasserre, a d’abord relevé le succès de Nespresso en France, pays qui absorbe un quart des capsules vendues dans le monde.
Elle a estimé que la filiale de Nestlé était susceptible de détenir une double position dominante: sur le marché des machines, où elle s’arroge 73 % des parts; sur le marché des dosettes fonctionnant dans ses machines, avec 85 % des parts.
L’Autorité a pointé les obstacles que le leader mondial de l’agroalimentaire a placés sur le parcours des assaillants. Obstacles techniques d’abord.
« L’innovation est une bonne chose, mais il y a une coïncidence troublante entre évolution des machines et arrivée d’un concurrent. A chaque fois, on sophistique, on introduit un élément qui perturbe cette entrée », souligne M. Lasserre.
Ainsi en 2013, Nestlé a modifié le «harpon» chargé de perforer la capsule et a intégré cette évolution dans toutes ses machines.
Les obstacles sont aussi de nature juridique, comme les mentions figurant sur les cafetières, emballages ou modes d’emploi affirmant que «cette machine fonctionne uniquement avec les capsules Nespresso en vente exclusive auprès du club Nespresso ». Ou comme le lien fait entre garantie de l’appareil et usage des capsules Nespresso.
Enfin, l’Autorité a mis en exergue des obstacles commerciaux, estimant que Nestlé mettait en cause la compatibilité des dosettes concurrentes.
- Quels sont les engagements pris par Nestlé ?
L’Autorité de la concurrence a obtenu de Nestlé qu’il lève ces obstacles et prenne des engagements pour une durée de sept ans.
Le groupe doit communiquer aux fabricants de capsules concurrents toute modification apportée aux machines Nespresso trois mois avant leur entrée en vigueur.
Il doit supprimer toute mention problématique sur les machines ou la documentation. Il doit appliquer la garantie en cas d’utilisation de dosettes autres que les siennes ou faire la preuve qu’un éventuel dysfonctionnement est lié à l’usage de capsules compatibles. Nestlé doit aussi s’abstenir de tout commentaire sur les produits concurrents.
« Cette affaire est une première mondiale, se félicite M.Lasserre Au-delà du cas Nespresso, elle illustre le couple marché primaire et marché secondaire, qui n’est pas condamnable en soi. A condition que le consommateur ne soit pas captif de son choix initial d’équipement. Sachant que les profits ne se font pas sur l’achat de l’équipement mais sur le marché secondaire des recharges ou des pièces détachées. »
Le Monde.fr | Par Laurence Girard
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