Nespresso nous fait une publicité inespérée
26 Juin
Interview Challenges.fr Jean-Paul Gaillard, fondateur d’Ethical Coffee Company, le fournisseur des capsules de café MDD de Casino, revient sur l’action juridique dont il fait l’objet de la part de Nestlé depuis le 23 juin.
Jean-Paul Gaillard, ancien DG de Nespresso (Nestlé), est le fondateur d’Ethical Coffee Company, le fournisseur des capsules de café MDD de Casino.
Pourquoi Nespresso (Nestlé) a-t-il fait perquisitionner vos locaux ?
– Jean-Paul Gaillard.- Ce n’était pas nos locaux. Il y a eu une visite chez deux de nos prestataires, d’un magistrat accompagné d’un policier et de deux avocats de Nespresso. Ils se sont présentés à la société des cafés Foliet à Chambéry (Savoie) et à la société Vegeplast à Tarbes (Hautes Pyrénées) dans le cadre d’une procédure dite de saisie-contrefaçon, article 145 du code civil. Je suis assez étonné qu’un juge ait accepté de mettre en œuvre une telle procédure alors qu’il n’y a aucune contrefaçon. De plus si une saisie est nécessaire, il suffit d’aller acheter nos produits dans l’un des magasins parisiens où ils sont en vente libre depuis un mois. C’est d’ailleurs ce qu’on fait des salariés de Nestlé qui ont acheté 2000 capsules dès le jour de lancement afin de les envoyer en Suisse au siège de Nespresso.
Il n’y a pas contrefaçon ?
– Je connais très bien ce dossier et je remarque que la procédure de saisie-contrefaçon lancée par Nestlé porte sur les machines et non sur les capsules. Or nous ne fabriquons pas de machines. Je pense que la raison de cette visite est toute autre. Les responsables de Nespresso étudient nos produits depuis qu’ils ont pu en acheter dans le commerce. Ils sont intrigués par une membrane argentée et un joint qui se trouvent à l’intérieur de nos capsules. En se fiant à l’apparence de ces composants, ils ont estimé un peu vite qu’ils ne sont pas biodégradables comme nous le promettons. Je réaffirme que nos capsules sont totalement biodégradables et peuvent être jetées dans le compost où elles se décomposent en deux mois. Nous avons même pu constater que le compost dans lequel nos capsules se sont décomposées est de meilleure qualité. Nestlé n’a pas encore eu le temps de faire ce test. Lors de cette saisie-contrefaçon, ils ont demandé à voir les factures des fournisseurs. Ce que nous avons refusé car nous n’y sommes pas obligé mais cela m’a permis de comprendre qu’ils souhaitaient tout simplement en savoir plus sur nos secrets de fabrication. C’est de l’espionnage industriel.
Vous allez les attaquer en justice ?
– Ce n’est pas impossible, mais si je l’avais déjà fait je n’aurais pas le droit de vous le dire. Je leur reproche aussi de tenter d’intimider mes partenaires. C’est un combat d’arrière garde qui ressemble beaucoup à celui qu’ont mené en vain, les fabricants d’imprimantes HP et Epson quand ils voulaient conserver le monopole des cartouches d’encre. J’ai beaucoup étudié cette jurisprudence, ils n’ont jamais gagné aucun procès. Une fois que vous avez acheté une imprimante ou une machine Nespresso, elle est à vous et vous pouvez vous en servir comme bon vous semble avec les consommables de votre choix.
Pensez-vous pouvoir lutter à armes égales contre Nestlé ?
– Je crois que Nestlé a beaucoup à perdre dans cette affaire en termes d’image et que ses responsables vont en prendre conscience. Ce n’est pas très positif d’être dans la position de celui qui défend les monopoles et empêche la concurrence et il n’existe aucun exemple dans l’histoire où une telle position a été victorieuse. Pour nous ces péripéties, c’est du pain béni. Pour l’heure j’estime à plus de 50 millions d’euros la publicité gratuite qui nous est faite par Nestlé. Les gens se précipitent dans les magasins pour réclamer nos produits et cela m’incite à aller plus vite dans d’autres projets. J’ai l’intention de proposer quelque chose dans le thé.
Propos recueillis par Jean-François Arnaud, journaliste à Challenges, vendredi 25 juin 2010.
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