Ethical Coffee va réclamer 2 milliards à Nespresso
4 Juin
Pour justifier cette somme, la PME romande évoque les marges perdues. Son concurrent juge ce montant démesuré.
Autour de l’usine d’Ethical Coffee Company à Ville-la-Grand, une petite bourgade française basée à une quinzaine de minutes de Genève, aucune odeur de café ne plane dans l’air. Pourtant, c’est bien là que le groupe fabrique depuis 2011 ses fameuses capsules de café biodégradables. «Le café est torréfié par notre sous-traitant Carasso à Genève», explique son directeur et fondateur, Jean-Paul Gaillard. Ce manque d’arômes dans l’air s’apparente donc en réalité à une preuve de qualité, puisque, pour que le café conserve son goût intact, il faut absolument le préserver de tout contact avec l’oxygène.
Si le parc de machines est au complet et prêt à être utilisé, l’usine ne tourne toutefois aujourd’hui qu’à 25% de ses capacités. «Nous produisons actuellement quelque 300 millions de capsules par année pour une usine dont la capacité maximale peut atteindre jusqu’à 1,2 milliard de dosettes», concède Ludovic Chabanon, directeur industriel du site. «Mais d’ici à la fin de l’année prochaine, notre site de production français tournera à plein régime», affirme son patron.
Les marges perdues
Car les affaires s’accélèrent pour la PME depuis les multiples victoires en justice remportées en 2014 contre son principal concurrent et leader du marché: Nespresso. Jean-Paul Gaillard parle par exemple de ventes en croissance de 35% sur le seul marché suisse où ses capsules ont été interdites durant trois ans et demi.
Reste que les dégâts sont là et que le groupe compte réclamer son manque à gagner au groupe Nestlé (propriétaire de Nespresso). Il y a quelques mois, Jean-Paul Gaillard l’estimait dans nos pages à hauteur de plusieurs centaines de millions de francs. Après expertise, la société dont le quartier général est basé à Lausanne affiche désormais un montant plus précis. Pour contrefaçons sur ses brevets et compensations aux marges perdues (sous la forme de dommages et intérêts), ECC prévoit de réclamer quelque 2 milliards à la filiale de Nestlé. Un premier milliard pour le seul marché américain et un second réparti à travers les différents marchés européens où la marque est présente.
Nespresso s’indigne
Du côté de Nespresso, la réponse est cinglante. «Concernant les dommages et intérêts, les montants articulés par M. Gaillard ne correspondent pas aux réalités du marché, explique leur porte-parole, Diane Duperret. De plus, ils ne correspondent pas aux dommages et intérêts articulés par ses avocats auprès des nôtres dans les cas de la Suisse et de la France (ndlr: les deux seules actions à son encontre dont la filiale de Nestlé assure avoir actuellement connaissance).»
Jean-Paul Gaillard confirme que si certaines procédures sont déjà en cours, d’autres sont sur le point de l’être, à l’exemple de celle concernant le marché américain où certains détails administratifs seraient en passe d’être réglés. «La justice n’est pas toujours d’une grande rapidité», rappelle ce dernier.
Concernant la prise de position de son concurrent, le fondateur d’ECC dénonce leur langue de bois. «Dans les faits, Nestlé a peur de devoir faire des provisions impactant leur rentabilité», explique-t-il tout en rappelant que si le groupe veveysan a souvent menacé ECC de plainte pénale en diffamation, ces dernières sont toujours restées sans suite.
Marché très concurrentiel
Quant au montant jugé exorbitant par son concurrent, le directeur d’ECC le justifie ainsi: «Notre société était à l’époque la première à se positionner sur ce marché des dosettes biodégradables. Après deux ans de recherches et 25 millions d’euros investis, nous avions toutes les armes nécessaires pour nous imposer face à Nespresso.»
Il est vrai qu’aujourd’hui une quarantaine de marques se partagent un marché estimé par certains experts à deux milliards de capsules «Nespresso compatibles», dont certaines sont déjà bien implantées.
Rattraper le temps perdu nécessite donc des montants considérables. ECC met un tiers de ses revenus, soit environ 20 à 30 millions, en frais marketing. Non pas dans des campagnes de publicité, mais par des dégustations dans les surfaces de vente où la marque est présente. (TDG.ch)
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